Dans le cadre de mon immersion au Centre opérationel de Thiès, l’objet de ma première Recherche Action Participative (RAP) a été de mettre en avant la compréhension d’un groupe par rapport aux comportements violents et/ou humiliants faits aux enfants, d’établir les causes, les différentes formes, les conséquences et les alternatives à ces différentes formes de violence, qu’elles soient physiques ou psychiques.
Les membres du COP de Thiès et moi-même, avons décidé de regrouper ces comportements allant à l’encontre du bien-être de l’enfant sous le terme générique de “chicotte”, en référence au fouet en cuir qui est utilisé pour donner des fessées aux enfants. Il s’agissait d’aborder ce thème à différents niveaux : au niveau familial, au niveau de l’école, au niveau des ateliers ainsi qu’au niveau de la rue. Nous avons contacté des jeunes ayant suivi une formation avec AJE et ces derniers nous ont permis de rencontrer d’autres jeunes d’âges et de milieux différents afin d’obtenir un panel plus large de réponses.
Voici un condensé d’injures rencontrées chez les adultes au sein de la famille au sens large à l’égard des enfants : « douma sa morrom » (Je ne suis pas ton égal), « doomé ram » (bâtard), « Damala eube diourom nyente were » (Je t’ai porté neuf mois dans mon ventre), « Souma khamore ne ni ngueye mel done na laraye » (Si j’avais su que tu serais comme ça, je t’aurais tué quand tu étais petit), « Niofale sa ndeye » (écrase ta mère), « Yala nanga dé dina nek si diam » (je te souhaite la mort comme ça je serai en paix), « Thiagaye yi ngendone » (tu es une pute), « Sa baye amoul ngueringue » (ton père ne fout rien), etc.
Outre les insultes et phrases humiliantes relevées ci-dessus, l’enfant est également giflé violemment, voire frappé avec un bâton ou un fil de fer. Il est privé de nourriture et est soumis à des travaux ménagers en tout genre. Les enfants doivent par exemple faire à manger pour tous les membres de la famille sans pouvoir participer au repas.
La maltraitance existe aussi à l’école entre enfants mais aussi entre professeurs et enfants. Les professeurs disent aux enfants ; « Vous n’avez pas d’avenir, tu es médiocre, tu ne vas pas réussir. » Il y a aussi du harcèlement de la part de certains professeurs envers les filles en leur disant : « reste après les cours, je vais t’expliquer ce que tu n’as pas compris » dans le seul but de les aborder et si les filles ne cèdent pas à leurs avances, ils les humilient en classe en leur disant par exemple : « Thiagua gua » (regarde comme tu es habillée, on dirait une pute).
Des professeurs demandent à quatre élèves d’écarteler un autre élève pour qu’il puisse le taper avec une latte. Dans la rue, les injures fusent aussi : « Domou birel nga » (on a enceinté ta mère), « Gor djiguene nga rek » (tu n’es qu’un homosexuel). Et il y en a bien d’autres encore.
Suite à la récolte d’informations données par les jeunes, nous leur avons proposé de relire les réponses données par les différents groupes pour qu’ils puissent avoir une vision globale des données concernant les comportements violents et/ou humiliants faits aux enfants.
Les jeunes ont identifiés plusieurs problèmes : la peur, la frustration, la colère, la révolte, la tristesse, le renfermement, le stress, le malheur, le rejet, l’exclusion, la marginalisation, l’humiliation, l’abus d’autorité, le manque de respect, le manque de considération. Ensuite, nous avons demandé aux jeunes de choisir parmi tous ces problèmes, celui auquel ils seraient susceptibles de faire face et qui pourrait avoir une influence sur les autres problèmes.
Parmi ces différents problèmes, ils ont abordé la question de l’abus d’autorité en cherchant les différentes causes qui peuvent engendrer ce problème. La cause principale qui est ressortie est le pouvoir politique. Ils ont cherché à savoir quelles actions ils pouvaient mettre en place. Les actions qui sont ressorties sont les suivantes : interpeller le pouvoir politique et la mise en place d’un endroit pour que les enfants puissent s’exprimer mais l’action n’a pas été davantage réfléchie car il s’agissait avant tout d’obtenir des informations provenant des jeunes concernant les comportements.
Cette recherche a duré cinq jours et a permis à l’association Action Jeunesse Environnement d’obtenir un financement en vue de mettre en place un projet concernant cette thématique.
Payam Kamran
Notes : Cette RAP a été réalisée avec Julienne Kika, responsable du COP de Thiès, supervisé par René Sibomana, formateur RAP. Cet article est paru dans le Passerelles n°50 de juin 2010.