La participation dans le développement peut être vue comme une manière d’aborder les relations entre les praticiens du Nord et les populations du Sud dans le dessein de mener un projet à bien et de manière durable. Dans le cadre de projets de développement s’opèrent inévitablement des rencontres entre divers groupes locaux (chacun avec ses expériences, ses intérêts et ses savoirs) et des intervenants étrangers (chacun avec ses objectifs et ses habitudes d’animation).

La participation a comme leitmotiv de donner à la population les moyens d’être maître de son propre développement, de renforcer les capacités des personnes afin qu’elles puissent déterminer leurs propres besoins et se prendre en charge. Cependant au fil du temps, le concept de participation s’est peu à peu vidé de sa substance. Depuis 30 ans, la participation (et ses méthodes pour y parvenir) est au centre d’un débat dont la question principale est de savoir si la participation permet réellement un meilleur développement.

L’étude de cette question dans ce dossier repose sur le postulat que la participation est une clé de la coopération au développement. De plus, les processus participatifs, menés avec attention, peuvent même aboutir à une modification du modèle de développement. Il importe donc d’accroître aussi bien notre connaissance du sujet que notre regard critique. Il est évident que personne ne peut être contre la participation des populations à leur propre développement, d’autant moins lorsque celle-ci se traduit par un prise en charge partielle des investissements par les populations « bénéficiaires ». Il faut cependant chercher à comprendre en quoi consiste cette « participation » aux contours souvent mal définis.

Alors que de nombreuses théories prétendent associer les bénéficiaires à toutes les étapes du projet, en pratique, ces théories se déclinent à l’infini. La réflexion de ce dossier trouve sa source dans les propos de Philippe Lavigne-Delville (1) qui, dans l’introduction d’un de ses ouvrages, s’inquiétait du manque de clarté du concept de participation et lançait, en même temps, un signal d’alarme : « Le discours est souvent chargé d’idéologie, d’idéalisation de la démarche, voire de manipulation inconsciente ou délibérée. Le thème de la participation est en effet suffisamment flou pour pouvoir être fédérateur. Ce caractère vague et fourre-tout, où la participation a une dimension souvent largement rhétorique, conduit à se demander ce qu’elle est supposée changer concrètement dans les rapports entre techniciens et populations. (…) Le flou théorique et conceptuel des analyses préalables, insuffisamment distancié, interroge les méthodes elles-mêmes ».

A l’heure actuelle, au vu du grand nombre d’échecs dans les divers projets de développement, les praticiens et théoriciens commencent à remettre en cause la notion de participation. Il semble pourtant impensable d’écarter cette conception de la coopération au développement car le fait d’impliquer les populations dans la construction de leur environnement et de leur société est à la base même d’une démarche démocratique, où le respect de l’autre, de ses connaissances, et de son intelligence est au centre. Jusqu’alors, la participation est le seul processus qui permette à un groupe (à une population) de s’approprier entièrement le projet. Il s’agit du seul processus qui permette à un groupe de devenir acteur de son propre développement viable dans le long terme.

Dans cette perspective, ce n’est pas le concept de participation qu’il faut remettre en question mais plutôt les méthodes utilisées pour faire participer la population ou le groupe : «Ces méthodes permettent-t-elle une réelle participation ? ». Le débat sur la participation ne pourra prendre place qu’à partir du moment où l’on aura en main une méthode réellement participative.

C’est pour cette raison que ce dossier ne repose pas sur une réflexion philosophique des tenants et aboutissants de la participation mais plutôt sur les méthodes sensées promouvoir l’appropriation d’un projet par un groupe. Pour ne pas avancer dans le vide, et étant données les critiques citées ci-dessus quant au flou de la notion de participation, nous allons essayer de donner une définition de la participation parfaite.

Les critères de la participation

Suite à une analyse détaillée du thème de la participation et après l’avoir confrontée au regard d’experts, voici notre définition de la participation « réelle, idéale » qui est composée de quatre critères.

  1. L’initiative de la résolution du problème vient de la part de la population. Ceci n’implique pas qu’il y aura création d’un projet. La recherche et l’analyse n’aboutissent pas toujours à une action.
  2. L’identification d’un groupe déjà constitué. L’animateur ne crée pas de groupe, dans tel cas, il casse les liens sociaux qui existent dans un groupe. La population locale est la seule à constituer le groupe de recherche, mais peut être aidée par une personne extérieure (locale ou non) pour faire appliquer une méthode de clarification.
  3. Le groupe de recherche fait toutes les démarches sans intervention extérieure (directe ou indirecte) sur le contenu. Dans le milieu du développement, étant donnés les préjugés sur le développeur occidental (la main sur le portefeuille), une quelconque remarque de la part de l’animateur donnerait l’impression que c’est son désir ou même une condition à satisfaire pour recevoir les fonds. La population le suivra alors dans sa logique. La participation doit donc sa réussite en grande partie à l’état d’esprit de l’animateur, à sa connaissance du concept de participation, à son ouverture par rapport aux savoirs locaux qu’il ne connaît pas. À cet égard, la construction du processus se fera aussi sur l’assise du savoir traditionnel local.
  4. La population doit être actrice tout au long du projet ou du cycle du programme, depuis le stade de la conception jusqu’à celui du contrôle et de l’évaluation, dans sa forme et dans son fonds. C’est la population qui définit son rythme de travail. La participation ne peut que se définir par le fait qu’elle soit totale : on est participatif à cent pour cent ou non. Tout apport extérieur non décidé par le groupe porte le risque de briser l’appropriation du projet, or ce risque ne peut être couru.

Nous avons préféré ne pas rajouter des critères qui auraient pu, certes affiner notre compréhension, mais qui auraient certainement embrouillé notre analyse, d’autant plus difficile que les méthodes participatives en vogue à l’heure actuelle étaient assez complexe dans leur compréhension et leur utilisation. C’est ce que nous allons voir dans l’article suivant.

Marc Flammang.

(1) Lavigne Delvigne Philippe, Sellama Nour-Eddine et Mathieu, Marilou, Les enquêtes participatives en débat : ambitions, pratiques, enjeux., GRET, Khartala, ICRA, Paris, 2000, p.5.

Note : cet article est paru dans Passerelles #50 de juin 2004.

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