Dans l’article précédent, j’avais ressorti une recherche-action qui avait été réalisée à Djibouti. En voici une autre réalisée en Egypte dont l’action qui a résulté de l’utilisation de la méthode est assez inattendue en termes de gestion d’une nouvelle école. Voici le texte tel qu’il est paru en 1999 dans le numéro 27 du journal Passerelles de l’association Asmae.
Atef est l’un des animateurs qui a suivi la session en Recherche Action Participative (RAP) qui s’est déroulée au Caire en décembre 1995. Il est responsable national du MIDADE 1, animateur salarié à l’école parallèle, professeur de dessin technique industriel dans une école gouvernementale. Le soir, il travaille chez un grossiste en nourriture. Il a 26 ans.
Si on le cite ainsi, c’est parce qu’il a utilisé la méthode Je participe, tu facilites comme méthode de recherche en vue de démarrer un projet d’appui à des enfants et des jeunes travailleurs. Si la recherche-action est à la base de cette action, c’est aussi tout un travail de réflexion qui a apporté un groupe d’animateurs à concevoir cette école de manière totalement novatrice, bien qu’en plusieurs points, on puisse reconnaître des similitudes avec les écoles de la rue développées par Action Jeunesse et Environnement (AJE) au Sénégal. L’ensemble de l’école est basé sur la participation.
Les enfants exercent divers métiers se déroulant dans le quartier: sur les 20 enfants concernés, quinze travaillent dans la boulangerie et les cinq autres travaillent dans la bijouterie. Le règlement interne de l’école a été élaboré par les enfants. Ils se sont répartis les responsabilités. Il y a le groupe pour le réveil des autres dans les maisons, les responsables du matériel, les responsables de la nourriture et le groupe responsable du nettoyage.
Les cours sont donnés par onze professeurs et animateurs. Il y a des cours d’électricité, de réparation de frigos, d’arabe et de calcul, de dessin et de musique. Les cours d’arabe et de calcul sont les matières principales que les enfants ne veulent pas changer. Les cours de karaté sont donnés pour permettre aux enfants d’exprimer la violence contenue en eux. Ils apprennent aussi à jouer sans être violent entre eux.
Précédemment, ils étaient très souvent violents et se volaient mutuellement l’argent gagné dans les ateliers. Des cours de vie sont données pour leur apprendre des valeurs. Durant les cours, il y a des plus forts et des moins forts. Les animateurs ont décidé d’assurer une séparation entre les deux groupes pour ne pas désavantager les moins forts. Là, ce sont les animateurs qui se sont souvenus de leurs propres difficultés lorsqu’ils étaient enfants.
Un des animateurs suit le présence ou les absences des enfants et essaie de voir pourquoi il y a eu absence. Quand on en comprend les raisons, on essaie de donner à l’enfant concerné une responsabilité au sein de l’école.
Les cours sont donnés le dimanche, le mardi et jeudi pendant des périodes d’un mois et demi. Entre deux séries de cours, s’écoulent 10 jours. Les cours durent au total un an et demi. Ce rythme de travail a été négocié avec l’enfant et le patron de l’atelier. Ce dernier a eu son mot à dire dans la préparation d l’enfant dans l’école. L’école donne aux enfants qui travaillent bien, 2 livres égyptiennes (soit 0,5 €) placées dans un compte en banque.
Une évaluation des enfants est prévue chaque mois et d mi par les animateurs. Quant aux jeunes, ils font une évaluation du professeur et de l’animateur. Dans un cas, les enfants ont décidé de mettre à la porte le professeur de dessin parce qu’il était trop souvent absent. Ils ont décidé de remplacer son cours par du secourisme car cela correspond à un besoin important pour eux. Lorsqu’un professeur fait une remarque injustifiée, il doit s’excuser devant [‘enfant comme l’enfant doit le faire s’il est grossier vis-à-vis du professeur. Les enfants n’abusent pas de cette situation et respectent aussi l’autorité du professeur et de l’animateur.
Même le système de financement est étonnant puisque c’est un association libanaise qui finance le matériel (table, vidéo meuble, le parois séparant le classe). Une solidarité Sud-Sud s’est ainsi établie. Le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement finance le salaire et les activités. Des rapports sont envoyés pour rendre compte de l’évolution du projet.
Pour arriver à ce résultat, une année de préparation a été nécessaire pour le staff. II a beaucoup travaillé avec Michel Fleury 2 qui vit en France. Des contacts réguliers et des réflexions communes se poursuivent. Les animateurs, tous issus du Midade, travaillent avec cette méthode en partageant tout avec les enfants. Les enfants échangent beaucoup aussi et donnent des cours aux animateurs, en lien avec les métiers qu’ils pratiquent dans les ateliers. L’équipe travaille avec beaucoup d’associations comme Caritas ou ASMAE, afin d’avoir une bonne ouverture et une expérience plus grande en animation. Cela correspond à l’esprit Midade : comment servir aux mieux les enfants.
Voilà une expérience qui démarre et qui promet beaucoup. Pour le moment, vingt enfants travailleurs quittent temporairement leur travail pour aller à l’école ! Les cours sont choisis par eux. Dès que l’expérience aura mûri, le nombre d’enfants augmentera. Expérience à suivre.
En été, un camp d’animation, soutenu par ASMAE, se déroulera avec des jeunes Égyptiens. Nous y reviendrons.
Géry de Broqueville