Dans le cas d’un nouveau projet, je pense qu’il faut toujours faire une recherche-action avec notre méthode « Je participe, tu facilites » avant de le démarrer. N’oublions pas que cette méthode permet une appropriation du projet par la population locale. L’appropriation, c’est l’acceptation que l’autre qui est auteur et acteur du projet deviennent propriétaire de l’action. Ainsi le facilitateur apprend la dépossession de l’action. Il apprend aussi à perdre du pouvoir si tant est qu’il a imaginé un jour en avoir eu sur un projet.
Très souvent, nous ne voulons pas prendre le temps de lancer une recherche-action, par manque de temps. Nous sommes tous taraudé par le temps, ce même temps qui court. Et pourtant il y a bien un projet qui a été lancé au Sénégal et qui a pris son temps avec la méthode. Nous en parlerons très bientôt dans ces colonnes. Je ne dévoilerai rien de cette action si ce n’est pour donner la durée des recherche-actions menées au début du projet : deux ans (1998-2000) ! Rien que cela, mais quel magnifique résultat !
Action Jeunesse & Environnement (AJE) s’est donné du temps pour réaliser la plus longue recherche-action de la courte histoire d’existence de cette méthode ! C’était courageux et totalement nécessaire pour une association qui venait de s’installer au Sénégal en septembre 1997. AJE vivait dans l’informel et c’est peut-être une chance d’être dans la posture de ceux qui ont tout à gagner en prenant le temps qu’il faut !
Et pourtant, parfois, il n’en faut pas !
Prenons l’exemple d’un autre projet qui est en phase de démarrage depuis 2016. Il s’agit d’une ferme-école en agroécologie qui est en train de s’installer sur le territoire de Ndoumboudj dans la zone rurale de Toubacouta au Sénégal. Cette ferme-école est née d’un déclic d’Action jeunesse & Environnement, lors d’une visite dans les jardins de Kaydara, du coté de Fimela, dans le nord du Sine Saloum.
La ferme-école de Ndoumboudj naît petit à petit, sans recherche-action. à la base. Il y a bien eu une demande de la part du coordinateur d’AJE, René Sibomana, auprès du chef de village pour l’obtention d’un terrain, mais en soi la population n’est pas partie prenante de la démarche car elle n’a pas participé à un processus d’appropriation. En même temps, le principe d’un centre de formation en agroécologie est que les jeunes qui vont se former en cet endroit ne sont pas forcément issu du village accueillants. Tous les jeunes de la zone rurale de Toubacouta, intéressés par de l’agriculture rentable en agroécologie, peuvent avoir accès à ces formations.
De plus, le fait que ce soit des formations en agroécologie, les principes mêmes de ce type d’agriculture ne sont pas connus dans la région. Il faut donc que la ferme-école devienne un modèle pour disséminer les bonnes pratiques dans un environnement intégralement en conventionnel c’est-à-dire avec une agriculture qui utilise des pesticides, des engrais chimiques et des graines non reproductibles. Or nous savons que l’utilisation d’engrais chimique est un problème en soi qui ont des conséquences néfastes sur la santé animale et humaine notamment
En tant que modèle innovant, la ferme-école en agroécologie peut se passer de la recherche-action au moment de sa création, car elle ne répond pas à la notion de problème immédiatement identifiable par la population locale. En effet, le gouvernement a toujours proclamé qu’il était bon pour l’augmentation des rendements d’utiliser les engrais chimiques. Pourquoi revenir aux systèmes ancestraux si l’on nous promet une augmentation des rendements et donc des revenus. Il n’y a pas de problèmes à résoudre. On ne peut pas organiser une recherche-action pour faire passer à la population le message qu’il est temps de changer radicalement ses modes de cultures. Ce serait alors une recherche-action à postériori, alors que l’on connaît déjà la solution : la création d’une ferme-école !
Il sera peut-être bon de faire des recherches-action après que la ferme-école se soit installée et devienne effectivement un modèle, alors qu’elle même dans sa réalisation première, elle a calqué son installation sur un modèle, la ferme-école en agroécologie de Kaydara. De toute façon, un des piliers de la formations dans la ferme-école de Ndoumboudj, sera de permettre aux jeunes d’utiliser la méthode pour le développement de leur propre ferme, lorsqu’ils vont s’installer avec leur famille sur les terres dont ils seront propriétaires après la formation.
Géry de Broqueville